Que se passerait-il si la majorité des animaux venait à disparaître ? Cette hypothèse, Philip K. Dick, auteur américain de science-fiction, l’a déjà imaginée. Dans ses récits, les riches possèdent les rares spécimens encore vivants, tandis que les moins fortunés, eux, se contentent d’animaux artificiels, de copies électroniques ressemblants à s’y méprendre à leur modèle. Ce futur aux allures chaotiques, dans lequel les privilégiés sont les ultimes jouisseurs du vivant, semble lointain. Pourtant, les derniers rapports scientifiques sur la biodiversité sont alarmants. Le taux global d’espèces menacées d’extinction ne cesse de s’accélérer. Il est déjà au moins des dizaines voire des centaines de fois plus élevé que la moyenne sur les 10 millions d’années écoulés. Les activités humaines, au niveau local comme global, sont au cœur de cette intensification des changements. Une réflexion de fond s’impose alors : quel spectacle de la vie souhaitons-nous voir ?
Pour interroger ce monde à venir, Romain Baro s’est intéressé au legs des espèces animales conservées. Depuis 2021, il collabore avec le Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes qui lui a ouvert les portes de ses réserves. Après un travail de repérage puis de sélection, il a réuni une variété de spécimens naturalisés issus des grandes familles du règne animal et de différentes périodes de conservation. Dans ce projet en cours de réalisation, chaque pièce de la collection est radiographiée dans un centre d’imagerie médicale selon une approche documentaire. Les clichés des espèces naturalisées ainsi produits présentent un point de rencontre inédit entre l’extérieur et l’intérieur de l’animal. D’un côté : la peau, les poils, le plumage, la silhouette ; de l’autre : la mousse, les épingles, les os, les tiges métalliques. Au sein de ses nuances de gris, formées par la plus ou moins grande dureté des matériaux, un trouble se crée. Quelle figure se montre à nous ?
À travers cette série, Romain Baro souhaite également interroger les représentations occidentales, et notamment ses distinctions entre Nature et Culture, entre Animal et Objet, Animé et Inanimé. La taxidermie représente alors une formidable métaphore du désir de maîtrise et de contrôle des humains sur leur environnement. À l’heure où certaines entreprises de biotechnologies souhaitent ressusciter des espèces disparues, comme le dodo, et face à la fragilisation croissante du domaine du vivant, ce projet nous invite à partager une série de questions fondamentales et urgentes. Qu’est-ce que le vivant ? Qu’est-ce que la biodiversité ? Qu’est-ce que la cohabitation ?
2022 – En cours
What would happen if the majority of animals became extinct? Philip K. Dick, the American science fiction writer, has already imagined this. In his stories, the rich own the rare specimens that are still alive, while the less fortunate have artificial animals, electronic copies that bear a striking resemblance to their models. This chaotic-looking future, in which the privileged are the ultimate enjoyers of life, seems a long way off. Yet the latest scientific reports on biodiversity are alarming. The global rate of species threatened with extinction continues to accelerate. It is already at least tens if not hundreds of times higher than the average over the past 10 million years. Human activities, both local and global, are at the heart of this intensification of change. This raises the question: what kind of spectacle of life do we want to see?
To explore this future world, Romain Baro looked at the legacy of conserved animal species. Since 2021, he has been working with the Nantes Natural History Museum, which has opened the doors of its reserves to him. After a process of identification and selection, he has brought together a variety of naturalised specimens from the major families of the animal kingdom and from different periods of conservation. As part of this ongoing project, each specimen in the collection is x-rayed in a medical imaging centre, using a documentary approach. The resulting images of the naturalised species provide a unique opportunity for the animal’s exterior and interior to meet. On one side: the skin, the hair, the plumage, the silhouette; on the other: the moss, the pins, the bones, the metal rods. Within these shades of grey, formed by the greater or lesser hardness of the materials, a confusion is created. Which figure is revealed to us?
Through this series, Romain Baro also wishes to question Western representations, and in particular the distinctions between Nature and Culture, between Animal and Object, Animate and Inanimate. Taxidermy represents a formidable metaphor for the desire of humans to master and control their environment. At a time when some biotechnology companies are hoping to resurrect extinct species such as the dodo, and faced with the increasing fragility of the living world, this project invites us to share a series of fundamental and urgent questions. What is life? What is biodiversity? What is cohabitation?
Vues d’exposition de la résidence artistique à l’Espace 18, Nantes