Raconter son histoire pour sauver sa vie

Être demandeur d’asile avec une lourde histoire ne suffit pas à obtenir une autorisation de séjour, et le passage devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), reste une épreuve difficile. La plupart des demandeurs sont recalés pour « récit stéréotypé », « manque de spontanéité à l’oral », « absence de personnalisation ».

En réaction, Christiane Cavallin-Carlut, du Comité de vigilance pour la défense du droit des étrangers du Cher, s’est attachée, avec une poignée de militants, à rendre cohérents le récit des étrangers. Formée par Amnesty International, elle est l’une des bénévoles de La Passerelle, une antenne du Secours catholique à Bourges. Emmanuelle Jabaudon, unique employée de ce lieu d’accueil, se charge de structurer les récits ; elle est épaulée par une douzaine de volontaires, notamment des traducteurs ou interprètes qui sont parfois d’ex-demandeurs. Et savent de quoi ils parlent. « J’ai dicté mon histoire en anglais mais il y a eu des malentendus de traduction », explique Ola, 28 ans, qui a quitté l’Albanie enceinte dans un camion. Vincent, 37 ans, a pu, lui, rédiger en français sa fuite du Congo pour des raisons politiques, mais « on m’a reproché les tournures belges de mon texte, il a fallu réécrire ».

Seulement, la rédaction cohérente d’une histoire ne suffit pas à la rendre crédible aux yeux de l’Ofpra, il faut des preuves. « Je n’avais que mon permis de conduire et mon acte de naissance lors de ma fuite », dit Massamba, 35 ans, venu de Kinshasa. Des mois de prospection et d’enquête sont alors nécessaires. […]

Article et photographies publiés dans le Monde, 4 février 2013

Being an asylum seeker with a long history is not enough to obtain a residence permit, and going before the French Office for the Protection of Refugees and Stateless Persons (Ofpra) remains a difficult ordeal. Most applicants are rejected for “stereotypical narrative”, “lack of spontaneity in the spoken word” and “lack of personalisation”.

In response, Christiane Cavallin-Carlut, from the Comité de vigilance pour la défense du droit des étrangers du Cher, along with a handful of activists, has endeavoured to make the foreigners’ narrative coherent. Trained by Amnesty International, she is one of the volunteers of La Passerelle, a branch of Secours catholique in Bourges. Emmanuelle Jabaudon, the sole employee of this reception centre, is in charge of structuring the stories; she is supported by a dozen volunteers, including translators or interpreters who are sometimes former applicants. And they know what they are talking about. “I dictated my story in English but there were misunderstandings in the translation”, says Ola, 28, who left pregnant Albania in a truck. Vincent, 37, was able to write his escape from the Congo in French for political reasons, but “I was reproached for the Belgian twists and turns in my text, so it had to be rewritten”.

However, the coherent writing of a story is not enough to make it credible in the eyes of Ofpra, proof is needed. “I only had my driving licence and my birth certificate when I fled”, says Massamba, 35, from Kinshasa. Months of prospecting and investigation are then necessary. […]

Article and photographs published in Le Monde, 4 February 2013